REGLES JURIDIQUES POUR LES
APPLICATIONS MOBILES
Après le développement de E-
commerce, le terme M-commerce est
progressivement apparu. En effet, le
smartphone tend progressivement à
remplacer le mobile classique sur le
marché des téléphones portables.
Avec le boom des applications
développées sur de tels supports, le
droit est venu encadrer leur
développement et leur utilisation.
L''application est devenue
aujourd''hui un vecteur très important
du M-commerce, ou du marché de la
téléphonie mobile. En effet, le seul
développement de ces dernières a
permis d''encourager dans un premier
temps l''entreprise Apple, puis
l''ensemble des grands acteurs du
secteur, de créer un marché virtuel
permettant de télécharger lesdites
applications. Qu''est-ce qu’une
application au sens strict du terme?
Il s''agit d''un logiciel
téléchargeable et exécutable sur toute
plateforme mobile, à savoir les
smartphones et les tablettes.
L''application s''inscrit ainsi dans un
nouveau cadre économique du
marché mobile. En effet, la variété de
ses modèles économiques a
démontré son efficacité, notamment
dans le cas d''applications
gratuitement téléchargeables, mais
qui comportent des micro
transactions payantes lors de
l''utilisation de cette application. Si le
célèbre "Candy Crush" a su par
exemple générer un chiffre d''affaires
colossal par le biais de ce modèle
économique, le développement d''une
application reste régie par le droit, et
ce bien avant l''invention de tels
logiciels.
En effet, la loi pour la confiance
dans l''économie numérique, ou
LCEN, promulguée le 21 juin 2004
intègre les applications mobiles aux
"communications au public en ligne"
définies comme « toute transmission,
sur demande individuelle, de données
numériques n’ayant pas un caractère
de correspondance privée, par un
procédé de communication
électronique permettant un échange
réciproque d’informations entre
l’émetteur et le récepteur ».
Le droit a donc anticipé
l''explosion des applications, et les
conséquences juridiques sont
notables. En effet, l''éditeur d''une
application mobile, à savoir son
développeur ou la personne pour le
compte desquels l''application est
développée, n''est pas seulement
soumis au régime d''une seule loi : en
fonction du développement de
l''application et de ses fonctionnalités,
il devra respecter les dispositions
relatives au traitement de données
personnelles dans le cas d''une
géolocalisation, il devra informer les
utilisateurs des applications, il se voit
également soumis au régime du
commerce électronique…
Face à toutes ces dispositions
juridiques éparses, il peut apparaitre
parfois délicat pour le développeur
d''une application mobile de savoir
précisément quelles sont les
obligations qui lui sont imposées par
la loi, et quelles sont les bonnes
pratiques du métier à appliquer
lorsque les applications proposent
des traitements de données à
caractère personnel, des données qui
sont particulièrement protégées par le
législateur du fait de leur caractère
sensible. Dès lors, comment identifier
précisément les obligations légales
qui s''imposent à un développeur
d''applications mobiles ? L''exposé de
telles obligations suivra un
déroulement chronologique pour
comprendre non seulement les étapes
du développement d''une application,
mais également l''enchainement des
dispositions juridiques à respecter au
fur et à mesure de son
développement.
I- Des dispositions clairement
énoncées en aval du lancement d''une
application.
Lancer une application sur un
marché virtuel suppose en aval la
régularisation juridique des mentions
légales à afficher pour l''utilisateur,
des conditions générales d''utilisation.
A- Les mentions légales à respecter.
Avant même de songer à l''idée
de lancer une application sur le
marché, certaines procédures
juridiques doivent être respectées : de
ce fait, leur préparation doit
s''effectuer avant toute
commercialisation du produit. Il en va
dans un premier temps des mentions
légales.
Ces dernières sont obligatoires
puisqu''elles permettent à l''utilisateur
de l''application de disposer des
coordonnées de l''éditeur de
l''application, à savoir son
développeur ou la personne qui est
commanditaire du développement
d''une application, par le biais d''un
standard ouvert. Ces mentions légales
devront ainsi être disponibles pour
l''utilisateur par le biais de son
descriptif sans qu''il ait eu à
télécharger, de manière payante ou
gratuite, cette dernière. Le non-
respect de cette obligation des
mentions légales fait encourir à
l''éditeur de l''application une peine
d''un an d''emprisonnement et de 75
000 euros d''amende.
Les informations à indiquer
sont les suivantes. Dans un premier
temps, l''éditeur de l''application doit y
faire figurer sa dénomination sociale,
son siège social, son numéro de
téléphone, son numéro d''inscription
au registre du commerce et des
sociétés ou au répertoire des métiers,
le montant de son capital social, le
nom du directeur et celui du
codirecteur de l''application. De plus,
les mentions légales doivent faire
figurer le nom, la dénomination
sociale ou la raison sociale, l''adresse
et le numéro de téléphone de
l''application.
Ces informations, aussi
nécessaires à faire mentionner
soient-elles, peuvent toutefois être
complétées par d''autres données. En
effet, dans le cas où la société exerce
une activité de commerce
électronique, elle devra indiquer son
adresse, son numéro de TVA et, si
nécessaire, l''adresse et le nom de
l''autorité lui ayant délivré une
autorisation si cette dernière s''avère
nécessaire au regard de l''activité
exercée.
Enfin, les mentions légales
peuvent servir pour l''éditeur de
l''application à l''inscription des
dispositions relatives à la propriété
intellectuelle pour la protection de
l''application , notamment celles
concernant les dispositions relatives à
la protection du logo de la société,
des marques, des logiciels et des
éléments graphiques de l''application.
Enfin, dans les cas où les conditions
générales de vente ne mentionnent
pas de protection de données à
caractère personnel et que
l''application est gratuite, les
dispositions relatives à la protection
des données personnelles peuvent se
voir inscrites dans les mentions
légales.
Enfin, un élément pratique pour
les développeurs d''une application
est à prendre en compte pour éviter
de rencontrer des problèmes
juridiques ultérieurs. En effet, si les
mentions légales constituent le siège
d''un standard ouvert au bénéfice de
l''utilisateur de l''application, les
spécifications techniques doivent
garantir un accès libre et public, sans
une quelconque restriction d''accès et
ouvert à tout format de donnée
interopérable. En clair, la lisibilité des
mentions légales doit être quasi
parfaite pour l''utilisateur au regard
des informations légales qu''elles
contiennent.
B- La nécessité d''adapter ses
conditions générales d''utilisation.
Si la rédaction de conditions
générales d''utilisation d''une
application apparait comme une
formalité procédurale, il reste
néanmoins nécessaire d''adapter ces
dernières en fonction notamment du
public visé. En effet, suivant le
caractère ou non gratuit de
l''application, les conditions générales
d''utilisation doivent faire figurer des
éléments légaux plus ou moins
nombreux. Avant toute chose, que
l''application soit gratuite ou non, le
contrat conclu entre l''éditeur de
l''application et son utilisateur est un
contrat sous forme électronique. Dès
lors, le respect des dispositions des
articles 1369 et suivants du Code civil
est nécessaire : les conditions de
forme tenant à la conclusion d''un
contrat électronique devront
nécessairement être respectées par
l''éditeur de l''application.
Dans le cas d''une application
payante, le contrat est conclu entre
un professionnel (l''éditeur de
l''application) et un consommateur
(son utilisateur). Les conditions
générales d''utilisation doivent ainsi
faire mentionner le respect des
dispositions du code de la
consommation, et notamment le
respect des articles L. 121-16 et
suivants de ce dernier.
En effet, les articles précités
définissent le cadre légal relatif aux
contrats conclus à distance et aux
contrats dits hors établissement. Dès
lors, l''ensemble de ces dispositions
édicte les règles juridiques
applicables en matière de vente de
biens et de fourniture de services à
distance. Parmi ces règles, les plus
importantes sont les règles relatives
d''une part à l''obligation
d''information précontractuelle de
l''utilisateur.
Ainsi, toutes les dispositions
relatives au droit de rétractation dont
dispose l''utilisateur et les
caractéristiques essentielles de
l''application usitée (comme son prix,
ses services proposés, …) devront
être inscrites dans les conditions
générales d''utilisation. A ce titre, le
délai du droit de rétractation pour les
consommateurs a été récemment
changé en 2014 pour passer de 7 à
14 jours : le professionnel doit ainsi
être de plus en plus prudent lorsqu''il
se place sur le terrain du droit de la
consommation. De plus, dans le cas
où des contrats seraient amenés à
être conclus entre professionnels, les
conditions générales d''utilisation
doivent être complétées par la
mention des informations disposées
aux articles L. 441-6 et suivants du
code de commerce.
Dans le cas d''une application
gratuitement téléchargeable, les
conditions générales d''utilisation se
voient modifiées au regard de
l''absence d''onérosité du contrat
conclu entre le professionnel et le
consommateur. En effet, certaines
exigences du droit de la
consommation deviennent caduques
lorsque l''application est gratuite. Le
droit de rétractation disparait ainsi
que certaines clauses relatives aux
prix, …
Cependant, les caractéristiques
essentielles du bien ou du service
doivent figurer dans les conditions
générales d''utilisation, que
l''application soit payante ou gratuite.
De plus, même dans le cas
d''applications téléchargeables
gratuitement, les conditions générales
d''utilisation qui comportent des
clauses abusives ou contraires à
l''ordre public sont interdites. Par
exemple, une application qui tend à
proposer des services de "mère
porteuse" en mettant des individus en
contact par le biais du service
proposé est illégale puisque contraire
à l''ordre public.
Si le respect de l''ensemble de
ces dispositions légales est
nécessaire avant la mise en route
d''une application, des règles
juridiques interviennent également
dans le suivi de cette dernière.
II- Le respect des règles juridiques
dans le suivi d''une application.
Lorsque l''application est mise
sur le marché et que les utilisateurs
commencent à utiliser cette dernière,
la question du traitement des
données personnelles apparait et
impose des contraintes à l''éditeur.
De plus, si ce dernier exerce une
activité de commerce électronique, il
se voit soumis à un régime spécial de
responsabilité.
A- Le traitement des données à
caractère personnel et l''information
de l''utilisateur.
Comme son nom l''indique, une
donnée personnelle constitue une
donnée suffisamment sensible au
sens où elle permet à elle seule
l''identification d''une personne sous
quelque forme que ce soit. Du fait de
son statut de donnée sensible, une
donnée personnelle fait ainsi l''objet
d''une législation particulière, et ce
depuis la promulgation de la loi du 6
janvier 1978. Pour l''éditeur d''une
application, le traitement de données
personnelles des utilisateurs
éventuellement collectées par le
téléchargement n''est pas à prendre à
la légère.
En effet, comme dit
précédemment, l''éditeur devra dans
un premier temps demander une
autorisation à la Commission
nationale Informatique et Libertés, la
CNIL, afin d''obtenir le droit de
collecter et de traiter les données
personnelles des utilisateurs. Cette
demande préalable est absolument
indispensable pour ne pas se
retrouver dans l''illégalité, d''autant
que la CNIL accorde une attention
toute particulière à la protection des
données personnelles. Ainsi,
l''absence d''autorisation de cette
dernière expose l''éditeur à des
sanctions notamment financières.
De plus, au regard des
dispositions de la loi, un traitement de
données à caractère personnel est
soumis à plusieurs règles. Dans un
premier temps, le traitement des
données doit être loyal et licite. Cela
signifie que l''éditeur doit clairement
informer l''utilisateur de l''utilisation
des données personnelles qui en est
faite. Cette information peut d''ailleurs
faire également l''objet d''une
adaptation des conditions générales
d''utilisation d''une application.
De plus, l''éditeur a un devoir
particulier envers l''utilisateur de
données personnelles : celui de
l''informer de tous ses droits,
notamment son droit d''accès, de
rectification et d''opposition à un tel
traitement. De plus, l''utilisateur doit
être en mesure, à tout moment, de
pouvoir suspendre ou arrêter le
service lorsqu''il le souhaite lorsque
ces données sont utilisées à des fins
publicitaires. Les finalités d''un tel
traitement doivent également être
déterminées, explicites et légitimes. Il
s''agit simplement ici d''un devoir de
transparence maximale envers
l''utilisateur de l''utilisation qui sera
fait de ses données. Un point est à
noter concernant la responsabilité de
l''éditeur lorsqu''il traite des données
personnelles : si la finalité du
traitement se voit détournée, alors ce
dernier engage sa responsabilité
pénale.
Enfin, la CNIL insiste
particulièrement sur la
proportionnalité de la finalité du
traitement des données à caractère
personnel par rapport à l''utilisation
qui en est faite. Si la CNIL ne définit
pas cet objectif de proportionnalité
outre mesure, cette exigence suppose
le fait qu''une collecte de données
personnelles ne doit pas excéder un
seuil raisonnable.
En effet, une application ne
suppose pas forcément d''obtenir des
renseignements détaillés sur ses
utilisateurs. Il en va de même pour
l''objectif et la durée du traitement qui
doivent tout autant être raisonnables.
La charge de la sécurité des données
des utilisateurs incombe également à
l''éditeur. Ainsi, même si ce dernier se
fait pirater un registre de données
personnelles, dans le cas où il n''a
pas pris les mesures techniques
nécessaires à leur protection (par
exemple un cryptage suffisamment
raisonnable), il engage sa
responsabilité.
B- La responsabilité de l''éditeur
exerçant une activité de commerce
électronique.
Aujourd''hui, un éditeur
d''application est la plupart du temps
caractérisé comme un individu
exerçant une activité de commerce
électronique. En effet, que
l''application soit téléchargeable ou
non gratuitement, l''éditeur propose la
fourniture de biens, services ou
simples informations par le biais de
communications commerciales
effectuées à distance ou par voie
électronique. L''onérosité de
l''application ne rentre donc pas dans
la qualification juridique du commerce
électronique, et un régime légal
particulier intervient.
En effet, l''éditeur devient
responsable de plein droit de
l''obligation contractuelle effectuée
avec son client, ou l''utilisateur de
l''application. Ainsi, si cette dernière
ne fonctionne pas en corrélation avec
le descriptif du produit, que vous
soyez ou non le développeur, l''éditeur
endosse la responsabilité
contractuelle d''un tel cas de figure.
Cependant, si la mauvaise
exécution de l''application résulte
d''un cas de force majeure, du fait
imprévisible d''un tiers au contrat ou
encore de la mauvaise exécution de
l''application par le client lui-même,
l''éditeur peut, sous réserve de
preuve, s''exonérer de sa
responsabilité. De plus, sur le marché
du commerce électronique, la loi
française interdit l''existence de types
d''applications sur le territoire. Par
exemple, une application permettant
une assistance en justice est
interdite.
L''article 19 de la loi pour la
confiance dans l''économie
numérique, ou LCEN, impose pour
l''éditeur d''une application la
présentation d''un prix clair et non
ambigu : toute mention à
d''éventuelles taxes et des frais de
livraison est obligatoire pour qu''un
prix soit dénué de toute ambigüité.
Enfin, l''éditeur d''une application a
une obligation de stockage des
contrats conclus sous forme
électronique lorsque le montant de
ces derniers dépasse un certain seuil.
Pour conclure, le cadre juridique
relatif au développement d''une
application mobile apparait complexe
et lourd de dispositions. Cependant, le
développement du M-commerce est
aujourd''hui tel que les sanctions
financières imposées aux éditeurs
des applications en cas de non-
respect du droit peuvent rapidement
atteindre plusieurs milliers d''euros.
De plus, la CNIL affiche
actuellement un intérêt particulier
pour les applications utilisant une
géolocalisation. En effet, l''article L.
34-1-V du code des postes et des
communications électroniques
impose qu''en cas de collecte de
données de localisation auprès d''un
utilisateur, ce dernier doit pouvoir
rendre son accord exprès au moyen
du système "d''opt-in".
Cela signifie qu''il puisse
cocher une case au moment du
téléchargement de l''application pour
afficher ou non son accord avec
l''utilisation de ses données de
localisation. L''éditeur, après avoir
effectué à nouveau une demande
auprès de la CNIL, doit donc non
seulement utiliser ce système d''opt-
in, mais doit également permettre à
l''utilisateur de revenir sur son
consentement par un moyen simple
et gratuit. Le cadre juridique du
développement d''une application
mobile concile ainsi le développement
économique fulgurant du M-
commerce avec une sensibilité
prononcée pour la protection des
données des utilisateurs des
applications, et notamment pour la
protection de leurs données
personnelles.

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